dimanche 28 août 2011

La Frigidista

Il y a quelques temps, je quittais le service marketing de la Maison Chanel.
Comme ça, sur un coup de tête. Un réveil. Brutal. Mais bénéfique. J'avais le sentiment de m'être investie, donnée, épuisée et tuée pour les autres... Des années d'école de commerce, des stages dans le luxe à ne plus savoir lesquels mettre sur mon CV et - pour finir - une place chez Chanel.
Coco, Karl, je vous aime mais je veux juste quelques minutes pour moi. Rattraper celles qui sont passées lors des dîners où mes amis m'attendaient... et ne m'attendaient finalement plus, trop occupée derrière mon bureau; les week-ends et les vacances où je ramenais un plan market' béton et plus de to do list surchargées que de photos et souvenirs en tous genres. 


Ma vie passait. Je l'aimais. Mais elle passait, et sans moi !


Mes amies trouvaient chacune leurs hommes et faisaient un détour par l'église. Et certaines ont commencé à prendre du ventre: un peu, beaucoup... et je devenais marraine à droite et à gauche. Mon meilleur ami compensait son célibat en prenant un chien - trop mignon - qui adorait ronger le talon de mes Louboutin.
Parce que mes Louboutin et toutes mes autres paires de chaussures... et toutes mes robes et toutes mes fringues... bref, TOUT MON DRESSING, c'était tout ce que j'avais moi. J'en étais fière. Mais je n'avais que ça pour moi: des fringues et des shoes.


J'étais épanouie. Chez Chanel. Et seule.
Mes collègues me trouvaient froide et coincée, peut-être bien même frustrée. J'étais simplement professionnelle, rigoureuse et investie. 
Ils avaient deviné mon attrait (comme eux d'ailleurs) pour la mode et pour les belles choses. Et c'était vrai, je maniais à la perfection mes looks au travail. Des silhouettes différentes tous les jours, élégantes et avec la touche en plus qui faisait qu'on me détestait davantage que les autres. Parce qu'on me jalousait. 
Toutes les aigries de la com' me dévisageaient et me bénissaient quand j'étais dans leur champ de vision... 
(Il faut que vous sachiez que je suis née avec un joli minois et une belle chevelure blonde, un corps long et fin sculpté par des formes timidement généreuses. Mais est-ce ma faute?! Il y a un an, je ne pouvais pas me défendre en chantant à tue-tête "Baby, I am born this way !")


Certes mon allure faisait plus Chloé et Céline que Chanel mais j'étais tout de même ultra corporate. 


On était toutes charmées par celui qu'on surnommait M. Charnel... oui, monsieur ChaRRRnel ! 
Un bel homme bien placé, très séduisant et assez tactile. Toutes voulaient prendre un certain plaisir charnel avec lui. Toutes sauf moi car - je me répète - mais j'étais professionnelle et rigoureuse. 
Pourtant,  j'ai été la seule à l'avoir eu, car sous ses apparences de Dom Juan et de tombeur acharné... Monsieur ne passait jamais à l'acte avec aucune des filles de la Maison. 
Toutes, sauf moi ! Et sans l'avoir voulu, rêvé ou désiré... 
Si elles savaient...
Monsieur Charnel m'avait invité une nouvelle fois à dîner le jour où j'ai posé ma démission et j'ai dû - pour une fois - accepter. Obligation professionnelle ;) 
Un succulent resto Avenue Montaigne histoire de ne pas faire dans le cliché bien sûr (les hommes de pouvoir sont tous les mêmes!), un dernier verre à la terrasse du Plaza Athénée... ah non, le dernier verre - ou plutot la dernière coupe de champagne - c'était dans la chambre. Celle qu'il avait réservé pour l'occasion. Pour une démission, normal non?
Il m'avait donné le plus bel orgasme de toute ma vie qui - pendant un instant - m'a bien plus rempli de joie que tous mes sacs Saint Lau', Coco, Chlochlo (...) réunis; pour vous dire le plaisir et l'intensité de ce moment! 
Mais très rapidement redescendue du 7ème ciel je l'ai laissé au pied du mur dans sa somptueuse chambre. 
C'était un homme de pouvoir, mais j'en avais bien plus que lui à ce moment là. Je le tenais par... you know what! 
Et cet incroyable orgasme allait me valoir un préavis de départ rediscuté car je voulais quitter Chanel au plus vite "de peur de ne pas pouvoir tenir ma langue" suite à ce dérapage au Plaza. 
Là, c'était mon 2ème orgasme !


Je n'ai jamais raconté cette histoire à personne de la Maison, vous imaginez bien. Et j'aurais pu pourtant. 
Pour mon dernier jour, j'étais en mode friday wear: un simple débardeur Maje avec un sarouel léopard assorti à mes sneakers caramel Lanvin et mon Muse 2 à la main. 
Les chuchotements se faisaient entendre sur mon passage, quelle femme libérée j'étais donc ! 
Une nouvelle personne était arrivée ce jour là mais ça, tout le monde s'en moquait... sauf moi, étant donné que c'était ma remplaçante. Fraîchement débarquée, après s'être fait un café et ayant entendu une "discussion de comptoir", elle me demandait qui était la "Fridjisista... fririjista...?". Je ne le savais pas, je ne comprenais même pas ce qu'elle tentait de signifier. 
Et elle est revenue, après la pause déjeuner, toute gênée... me présentant ses excuses, mais pourquoi?!
Parce que la "Frigidista", la femme mi-frigide et mi-fashionista, cétait moi. Grande découverte. Et que mon dernier jour, vestimentairement décontracté qui plus est, avait été baptisé The Frigidista Revolution Day
Seconde histoire que je n'ai jamais raconté, bourde et secrets enterré pour le bien de ma remplaçante.


Et c'est ainsi que j'ai dit au revoir à la Maison Chanel.
Avec un petit pincement au coeur tout de même... c'est une des plus belles Maisons de couture Française et je l'aime énormément.
J'ai enfin pu (re)prendre ma vie...


YES I ROCK.


Grrrr !